
Des fake news made in Occitanie OU En Occitanie aussi, des fake news
Au palmarès des fake news quelle est la place de l’Occitanie ? Difficile de répondre à cette question avec des chiffres. Le flux des infox est puissant et permanent. Il est difficile, dès lors, de distinguer la provenance et la dimension locale des fake news. Mais le terreau favorable à l’apparition de fausses informations existe bien en Occitanie. La présence de cellules complotistes, le poids de l’extrême droite dans la région, le contexte d’incertitude lié à la pandémie sont autant d’éléments qui attisent la naissance d’infox.
Voici cinq exemples de fake news qui concernent l’Occitanie. Tour d’horizon non exhaustif mais représentatif des infox d’ici.
À Toulouse, mourir pour une « chocolatine »
Dans le genre « fake news parodiques » le site réputé du Gorafi, n’est jamais à court d’idées.
Il décrit, ici, « une histoire qu’on préfèrerait être une blague ». Et, fort heureusement, ça l’est !
La voici, racontée sur le site du Gorafi, avec force détails : « Hier, aux alentours de 16h15, dans une boulangerie du centre de Toulouse, Benjamin Malot, un jeune touriste parisien de 26 ans, a été brutalement mis à mort. Son crime ? Avoir demandé à la boulangère un « pain au chocolat » et non une « chocolatine » comme on l’appelle dans le Sud Ouest ».
S’ensuit un récit très détaillé de ce « terrible fait divers », né de la soi-disant méprise du jeune touriste qui commande un pain au chocolat au lieu d’une chocolatine. Ce simple fait conduit la boulangère à entrer « dans une violente colère », à sortir « un pistolet semi-automatique 9 mm et à le décharger « intégralement et à bout portant dans la poitrine du touriste parisien » touché par 46 impacts de balles.
Et le Gorafi de s’interroger : « Une province qui se radicalise ? Si cette nouvelle a, semble-t-il indigné bon nombre de personnes, poursuit le site, à Toulouse et dans le Sud-Ouest, on essaie de relativiser la gravité de ce crime : « On se renseigne un peu sur les traditions et les coutumes de l’endroit où on se rend. »
Conclusion du Gorafi : « Ce fait divers, même s’il devait être classé sans suite par la justice toulousaine, pourrait bien porter à conséquence à l’échelle nationale. En effet, ce genre d’incident semble se multiplier un peu partout sur le territoire et les pouvoirs publics se disent vraiment très inquiets. »
La progression de la narration de cette fake news est sans failles. Les pseudo éléments factuels abondent. Le rendu de cette intox reprend les codes d’une dépêche d’agence. Et pourtant, tout est faux et tellement énorme qu’il est difficile d’y croire. Le mode parodique fonctionne, ici, à plein.
Quand le syndrome de la camionnette blanche ravisseuse d’enfants débarque à Lunel-Viel
C’était « pour de faux » ! Les deux frères de 9 et 12 ans qui, en mars 2020, ont prétendu avoir échappé à une tentative de kidnapping en se rendant à l’école à Lunel-Viel ont finalement avoué avoir menti.
Ils ont été influencés par les fausses informations concernant de pseudo enlèvements d’enfants opérés par de mystérieuses fourgonnettes blanches.
Ces rumeurs, infondées, se multiplient en France en janvier 2020.
Pierre Havez, journaliste à la Gazette de Nîmes, rapporte qu’au début de l’année 2020 « un message alarmiste du même type concernant Lunel-Viel, Saint-Christol et Marsillargues était partagé plus de 13 000 fois sur Facebook. Pour ces signalements sur les réseaux sociaux, les forces de l’ordre confirment n’avoir reçu aucune plainte officielle de la part de la moindre victime » conclut le journaliste.
Seins nus à la plage de Sainte-Marie de Perpignan : une fausse association « Musulmans de France » dénonce.
En août 2020 les réseaux sociaux font état d’une plainte contre X déposée par l’association « Musulmans de France » quant à la présence de seins nus sur la plage Sainte-Marie située à une quinzaine de kilomètres de Perpignan. Une lettre a même été écrite en son nom, à la gendarmerie de Perpignan, pour la féliciter d’avoir fait recouvrir les seins nus de trois femmes en train de se bronzer sur le sable. Sauf que la véritable association « Musulmans de France » n’a jamais fait de démarche d’aucune sorte et se dit outrée par cette usurpation d’identité.
Ici, la fake news a été habilement construite à partir d’un fait, bien réel : des réservistes de la gendarmerie sont intervenus, le 20 août 2020, sur la plage de Sainte-Marie, pour demander à trois vacancières de recouvrir leur poitrine dénudée. La gendarmerie était revenue sur cette intervention, en la qualifiant de « maladroite ». Mais l’association « Musulmans de France » n’est jamais intervenue dans cette affaire.
Les auteurs de l’infox sont allés plus loin dans la désinformation : selon le site lindependant.fr, et toujours au nom de l’association, ils ont écrit à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, pour lui demander de faire recouvrir, dans les musées français, les tableaux montrant des « parties sexuelles de femmes ».
Cette infox a été partagée, fin août 2020, pendant plusieurs jours, sur les réseaux sociaux.
Une amie d’une infirmière du CHU de Montpellier, puis celui de Toulouse, « qui a un copain qui travaille aux urgences », explique ce qu’il faut faire contre la Covid-19
Terrain propice aux fake news : le coronavirus. Ici, le processus de désinformation suit toujours la même trame : une infirmière ou l’amie d’une infirmière (un nom et un prénom sont donnés) qui a un copain, soit aux urgences, soit en réanimation, communique à ses ami.e.s des informations privilégiées qu’elle détient d’un médecin régulateur. Le samedi 21 mars 2021, cette personne diffuse un tweet dans lequel elle affirme que le nombre de cas de coronavirus explose, qu’il faut laisser ses courses dans la voiture pendant 1h30 et qu’il faut désinfecter tout ce qui a pu être touché par d’autres en utilisant de l’eau de Javel diluée.
Le CHU de Montpellier a rapidement démenti cette pseudo information en se moquant même de ceux qui abusent des séries Netflix « pendant ce confinement [qui] commence à se faire ressentir ».
Un message similaire a été relayé et partagé sur Facebook avec les mêmes nom et prénom mais, cette fois « l’infirmière » ne travaille plus au CHU de Montpellier mais à celui de Toulouse. Le CHU de Toulouse, comme celui de Montpellier, a rapidement réagi. Il a démenti « l’information » et demandé aux internautes de ne pas partager ces infox.
A Montpellier, infox à partir d’un faux communiqué de presse à en-tête de la Métropole.
Le 27 mars 2021, les rédactions montpelliéraines reçoivent un étrange communiqué intitulé « Suppression de la publicité : Anticipation d’une décision historique ». Sur papier à en-tête de la collectivité, mise en page et code couleurs parfaitement reproduits, le texte explique que Montpellier Métropole va devenir, après le vote attendu du 29 mars 2021 « la 1ère Métropole de France sans publicité ». L’information est très importante, les enjeux financiers liés à la publicité, considérables. Cette décision découlerait de l’adoption d’un nouveau règlement de publicité intercommunal (RLPi) qui, à terme, « permettra de faire disparaître la publicité de la Métropole ». Le retrait de la publicité de marque sur les différents supports existants laisserait la place « à des espaces d’expression publique. Une 1ère campagne d’information anticipe ce vote historique » ajoute le communiqué avant d’illustrer cette importante décision par une affiche. Celle-ci, respecte elle aussi le code couleurs des affiches émanant de la Métropole mais le montage grossier de la tête de Michaël Delafosse sur un corps trop petit instille un premier doute sérieux sur la véracité du propos. L’ambigüité de l’opération est levée lorsqu’on découvre que c’est « l’agence Fantôme » qui a réalisé l’affiche. Le texte, en petits caractères, indique : « ceci est un photomontage satirique et idéologique ». En fait, le vote du 29 mars porte sur une réduction de 25% en moins de pub à l’échelle de la Métropole (réduction de la taille maximale de certains panneaux et notamment, suppression de certaines enseignes lumineuses) et non pas sur sa suppression pure et simple.
Dès le 28 mars Montpellier-Méditerranée-Métropole condamne « avec vigueur de tels procédés qui portent atteinte à un débat démocratique sincère ». La collectivité affirme son intention de déposer plainte contre les auteurs de cette usurpation frauduleuse d’identité numérique.