
JOURNALISME: ENQUÊTE DE VERITE – ECRIT PAR ALICE ROLLAND
7h – Réveil difficile, j’ai l’impression d’avoir cogité toute la nuit. Le Club m’a demandé d’écrire un article sur « journalisme et vérité » pour le NDLR. À moins que ce ne soit « vérité et journalisme »… La thématique m’intéresse, ça me rappelle mes études de philo. Mais je regrette presque d’avoir accepté : en philosophie, on se pose plus de questions qu’on n’y répond. Et puis, comment traiter cette question passionnante sans être rabat-joie ?
9h – Il est temps que je m’y mette. Quelle est la part de vérité dans mon métier ? Même si j’ai la carte de presse depuis douze ans, je m’interroge encore sur l’essence même du journalisme. Ce qui le relie à la vérité est sans doute son rapport intime à la réalité, plus précisément aux faits. Le journaliste enquête aux sources de ces morceaux bruts de réalité en récoltant des informations fiables, des témoignages concordants, dans une quête de véracité à l’épreuve du temps médiatique.
10h – Les sources, les faits, ok. Est-ce que ça suffit ? Quand il écrit son article, le journaliste est à la fois témoin, narrateur et interprète de la réalité. Malgré notre désir d’impartialité, difficile d’être totalement neutre. Nous sommes irrémédiablement influencés par nos filtres personnels, nos valeurs, notre environnement social. Tant de choses qui influent sur notre réflexion, tout comme notre capacité à prendre du recul et analyser la situation dans son ensemble. De là à fausser notre rapport à la vérité ? Peut-être.
11h – Impossible de traiter la question de la vérité sans m’intéresser à l’éthique du journaliste, sa responsabilité à l’égard de la société. En quelques clics, je me plonge dans la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes adoptée à Munich en 1971, un document de référence, qui demande au journaliste de « respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître » la vérité. Voilà qui est clair.
12h – C’est l’heure de la pause déjeuner, je navigue sur les réseaux sociaux. Il est rare que je ne tombe pas sur des théories flirtant avec le complotisme. Le fameux syndrome « post-vérité » : une défiance sans fondement à l’égard des faits objectifs, et ce au profit de l’émotion et des opinions personnelles. Un danger pour notre métier tout comme pour la démocratie. Les initiatives de fact checking des grands médias sont autant de tentatives d’endiguer le phénomène, du moins le pointer clairement. D’où l’importance de la parole contradictoire, du droit de réponse et bien sûr du pluralisme de la presse.
16h – Il temps de conclure. Finalement, le véritable gage de vérité est peut-être l’indépendance, la nécessité pour le journaliste professionnel de bénéficier d’une liberté sans conditions dans l’exercice de son métier au quotidien. Malgré tout, pas question de se poser en champion de la vérité, ce serait prendre le risque de glisser vers le dogmatisme et de s’aliéner des lecteurs. En vérité, ces derniers auront toujours le dernier mot.
Alice Rolland
Légende : Image Le « nuage » d’Alice : une interaction de mots et de concepts pour y voir clair dans la quête de la vérité